La crise financière peut-elle générer une crise immobilière ?

vers une crise immobilière ?

Depuis le 21 février 2019, le CAC40 a dévissé de plus d’un tiers.

Cette débâcle est bien sûr liée à la pandémie du coronavirus, qui fait craindre l’apparition d’une sévère récession globale et mondiale. Mais ce qui est encore plus inquiétant, c’est que l’intervention des banques centrales n’a pas vraiment permis de stabiliser les différentes places boursières.

On peut donc se demander si cette crise pourrait se propager à d’autres secteurs, et notamment au secteur de l’immobilier

La corrélation rompue entre la bourse et l’immobilier

En théorie, la bourse et l’immobilier évoluent de façon similaire, en raison de leurs points communs. En effet, ces types d’actifs reposent tous deux sur la création de valeur. Ils sont également influencés par la politique fiscale ainsi que par l’évolution de l’épargne et celle des taux d’intérêt.

Des taux d’intérêt faibles, (comme c’est le cas actuellement) renforcent l’attractivité des actions (les investisseurs ont tendance à se détourner des produits obligataires dont les rendements sont pour partie liés aux taux d’intérêt). Dans le même temps, les ménages peuvent emprunter davantage pour acheter un logement, par exemple, ce qui augmente la demande pour l’immobilier.

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Un même phénomène, la baisse des taux d’intérêt, favorise donc à la fois l’appréciation des valeurs boursières et celles des propriétés. 

Entre les années 1970 et le début des années 2000, ces deux types d’actifs ont donc évolué de concert, quoique de manière décalée. Après un pic boursier, il fallait attendre près de 2 ans pour observer sa réplication sur le marché de la pierre. 

Cette corrélation a pris fin au début de ce millénaire. Cette période a en effet été marquée par deux crises boursières retentissants qui ont brisé la confiance des épargnants à l’égard du système financier. Désormais, ils préfèrent investir leurs économies dans des actifs “tangibles” tels que l’or et l’immobilier. Les prix de la pierre ont plus que doublé depuis 2000[1]. Cette tendance a été favorisée par la chute des taux d’intérêt orchestrée par les grandes banques centrales pour relancer l’économie. En parallèle, les banques ont eu tendance à rallonger la durée des emprunts, ce qui a facilité le recours au crédit. En outre, l’immobilier bénéficie toujours d’une fiscalité attractive, qui en fait un placement chouchou pour de nombreux Français. Le dispositif Scellier, mis en place en 2008 et détrôné par le dispositif de la loi Duflot, elle-même remplacée par la loi Pinel, illustre bien cette volonté des pouvoirs publics de soutenir ce marché depuis la crise de 2008.

La relation entre crash boursier et immobilier en 2008

Que s’est-il passé lors du grand crash boursier de 2008 ? Son analyse révèle que la crise financière a été l’aboutissement – et non un déclencheur – d’une crise immobilière. Avant cette date, les familles américaines avaient massivement emprunté pour acheter leur logement. Dans la plupart des cas, ces emprunts avaient été souscrits avec des taux d’intérêt variables (les fameux subprimes). Lorsque les taux d’intérêt ont amorcé leur remontée en 2007, de nombreux ménages se sont retrouvés dans l’incapacité d’honorer leurs échéances, ce qui a donné lieu à d’innombrables saisies immobilières de la part des banques. Cet afflux massif de biens a provoqué l’effondrement des prix de l’immobilier. Certaines grandes banques, déjà fragilisées par les nombreux défauts de paiement qu’elles avaient subis, n’y ont pas résisté. Elles ont déposé le bilan, ce qui a aggravé la crise financière.

En Espagne, c’est une frénésie de construction qui est à l’origine de la bulle spéculative immobilière qui a éclaté en 2008. Là encore, c’est l’effondrement de ce marché qui a plongé le système bancaire espagnol dans une crise très grave.

Dans les deux cas, ce n’est pas un crash qui a provoqué l’effondrement du marché immobilier, mais plutôt l’éclatement de bulles spéculatives.

Quelle relation peut avoir l’immobilier avec le crash d’aujourd’hui ?

Les Français plébiscitent plus que jamais la pierre. L’année dernière a marqué un nouveau record en termes de transactions. A la fin du mois de septembre 2019, on en avait enregistré 1 059 000 sur un an, soit près de 10 % de plus que l’année précédente. 

Le crash provoqué par l’épidémie de coronavirus promet donc de renforcer cet engouement pour l’immobilier, en dissuadant une nouvelle fois les épargnants d’investir en bourse. 

Plus que jamais, l’immobilier apparaît comme une valeur refuge. Les professionnels du secteur, tels Jean-Marc TORROLLION, président de la FNAIM[2], clament en général que le marché de la pierre est sain. L’offre a bien tendance à se réduire, mais cela provient vraisemblablement d’un attentisme des propriétaires qui se montrent prudents en raison des incertitudes actuelles. En parallèle, les restrictions mises en place par les banques (sur la recommandation des autorités financières) et la possibilité d’un ralentissement économique prochain réduisent également la demande. M.TORROLLION rappelle d’ailleurs qu’en 2008, les prix des biens immobiliers ne s’étaient pas effondrés en France, en dépit de la crise financière. 

Néanmoins, même si la déconnexion entre bourse et immobilier est un fait, on peut se demander comment les prix de l’immobilier se comporteront à moyen terme. En province, les prix évoluent de manière modérée depuis plusieurs années. En revanche, il n’en va pas de même à Paris et dans les grandes villes, à propos desquelles certains analystes d’UBS ou de Standard & Poor’s n’hésitent pas à parler de bulles immobilières. L’immobilier ne pourra demeurer une valeur refuge si les prix deviennent trop élevés. 

Selon certains économistes, ce seuil est déjà atteint. Ainsi, au mois de janvier, l’économiste Marc TOUATI avait estimé que les prix de l’immobilier étaient surévalués de 20%. En novembre, le même économiste[3] avertissait déjà d’une possible correction. 

Si la crise du coronavirus provoque effectivement une ruée sur la pierre, nous pourrions assister au gonflement de ces bulles spéculatives. Cette perspective laisser planer le risque d’un possible éclatement car rappelons qu’entre temps, certains ménages risquent de se retrouver sans emploi et dans l’incapacité de rembourser leur emprunt. Reste à savoir quand cela se produirait, quelle pourrait être l’amplitude de la débâcle et sa brutalité. A court terme l’hypothèse d’une perspective de crise immobilière reste utopiste mais à moyen terme, elle trouve du sens.


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