Robinhood : l’aube d’une révolution ou d’une arnaque ? quelles alternatives ?

Robinhood est une plateforme américaine ayant pour ambition de démocratiser le trading grâce à son application mobile, sa procédure d’inscription simplifiée, mais surtout, des transactions en bourse gratuites. Elle n’est pour le moment accessible qu’aux seuls investisseurs américains, et compte 13 millions d’utilisateurs.

Pendant la crise du coronavirus, elle a connu une croissance fulgurante. Mais l’arrivée des “Robinhoods traders” dans les salles de marché a aussi provoqué quelques froncements de sourcils. Il est donc temps de s’intéresser à cette plateforme et de comprendre d’où vient l’engouement, c’est ce que je vous propose de découvrir dans cet article.

Qu’est ce que Robinhood ?

La crise du coronavirus a provoqué un krach boursier retentissant et elle a confiné des millions d’Américains chez eux pendant plusieurs jours. Désoeuvrés, ils ont cherché à faire fortune de chez eux. Et ils se sont donc largement tournés vers cette application.

Chez Robinhood, l’ouverture de compte, d’ordinaire assez procédurière chez les acteurs traditionnels des marchés financiers, est très simplifiée. Son interface ludique tend à banaliser les opérations boursières. L’application elle-même est très intuitive et quelques clics suffisent pour initier des opérations. 

Les utilisateurs ont accès gratuitement au trading des actions, des trackers, des options et même des crypto-monnaies. Ils peuvent emprunter de l’argent et acheter des titres en grande quantité afin de majorer leur plus-value éventuelle. 

La plateforme mise sur la «gamification» pour fidéliser ses abonnés. Ils sont encouragés et félicités pour leurs trades du jour, à la manière dont les jeux vidéos récompensent les joueurs lorsqu’ils franchissent un jalon important. 

Robinhood est particulièrement populaire auprès des milléniaux (les jeunes nés entre 1980 et 2000). L’âge moyen de ses utilisateurs est de 31 ans et la moitié d’entre eux sont des nouveaux venus dans le monde de l’investissement.

Mais la jeunesse de ce public l’expose davantage aux risques posés par la spéculation. Moins formés sur les marchés financiers, les jeunes ont aussi tendance à se montrer plus impulsifs. 

Quand c’est gratuit, c’est VOUS le produit

L’application se rémunère en percevant des intérêts sur les dépôts de ses utilisateurs et sur les prêts d’argent qu’elle leur consent. Elle tire aussi des revenus de sa formule payante, Robinhood Gold (de 10 à 200 dollars mensuels), permettant de bénéficier d’une ligne de crédit pour investir une demi-heure avant l’ouverture des marchés et deux heures après leur fermeture. 

Mais ces recettes ne suffisent pas. La plateforme a donc recours à la pratique controversée du “payment for order flow”. Celle-ci consiste à revendre ses carnets d’ordres aux sociétés de trading haute fréquence[1]

Ces dernières ont donc accès aux ordres passés par les abonnés de la plateforme. Comme le fonctionnement de ces sociétés repose sur des algorithmes extrêmement puissants et rapides, capables de traiter des transactions en quelques millisecondes, elles ont la possibilité de réaliser des marges sur les ordres dont Robinhood leur confie l’exécution. 

Ces marges de l’ordre de 1 à plusieurs cents par transaction semblent négligeables à première vue, mais compte tenu du volume d’ordres traité par Robinhood, au final, elles aboutissent à des montants significatifs. Une étude de Bloomberg Intelligence[2] montre que les firmes de trading à haute fréquence Citadel Securities et Virtu Financial ont versé 17 cents à Robinhood pour chaque paquet de 100 actions traité pendant le second trimestre, en pleine crise du coronavirus. 

Au total, au cours de cette période, les commissions pour la plateforme ont culminé à 180 millions de dollars, le double de ce qu’elle avait perçu au titre du premier trimestre. Bloomberg estime qu’elles ont représenté 40 % des revenus globaux de Robinhood. 

La pratique est légale, mais elle soulève la question du conflit d’intérêt, puisque la société de trading se paie sur le dos du client qu’elle est censée servir au mieux de ses intérêts… 

Enfin, la plateforme vend elle aussi les données de ses utilisateurs à d’autres sociétés à des fins publicitaires. Autrement dit, plus que jamais avec elle, quand c’est gratuit, c’est que c’est vous, le produit. 

Robinhood : des critiques de plus en plus nombreuses

Les traders aguerris suivent habituellement le principe “Never catch a falling knife”, qui signifie qu’il ne faut pas investir dans les actions de sociétés au bord du dépôt de bilan. Mais les “boursicoteurs” de Robinhood font exactement le contraire : ils ciblent les actions des entreprises les plus touchées par la crise, dont les cours sont les plus faibles. 

L’action du loueur de voitures Hertz, qui s’était effondrée peu après l’annonce de sa mise en faillite, a ainsi flambé sous l’impulsion de leurs achats, gagnant 1 000 % en seulement 10 jours. Ce retournement de situation a permis à la firme d’obtenir 500 millions de dollars de prêts pour financer sa restructuration, malgré son dépôt de bilan. 

Le “RobinTrack”, un tableau de bord qui permet de consulter à tout moment la liste des titres les plus achetés ou les plus vendus, n’est probablement pas étranger à ces mouvements de masse. En effet, ses indications favorisent un comportement de moutons de Panurge. Les utilisateurs les moins expérimentés peuvent s’en inspirer pour prendre leurs décisions d’investissement, amplifiant ainsi la volatilité des titres.

C’est d’ailleurs l’une des critiques les plus virulentes qui sont adressées à la plateforme. Elle est accusée de fonctionner comme un casino en ligne, où des utilisateurs souvent jeunes et inexpérimentés sous-estiment les implications de leurs décisions impulsives.

En juin, l’un d’entre eux s’est suicidé parce qu’il croyait que son solde de compte accusait un solde négatif de 730 000 $. Plus tard, un membre de sa famille a indiqué que sa situation n’était pas aussi dramatique qu’il le craignait. 

Entretemps, les plaintes se sont multipliées, et de plus en plus d’utilisateurs se plaignent d’être victimes d’arnaques. Une simple consultation sur Trustpilot[3] donne une idée de leur frustration.

Les problèmes de crashes répétés que la plateforme a connus lors d’une journée très active en mars alors qu’elle était très sollicitée, avaient déjà entamé son image. Certains utilisateurs avaient menacé de lancer une class action contre elle. 

Robinhood et les plateformes low-cost : quelles sont vos alternatives en France ?

Même si c’est peut-être la seule dont vous ayez entendu parler, Robinhood n’est pas l’unique application de trading sans commissions. Aux Etats-Unis, elle est concurrencée par Webull et M1 Finance, qui offrent elles aussi la gratuité sur les transactions.

Plus proche de chez nous, la Britannique Freetrade propose elle aussi de trader gratuitement des actions de certaines sociétés britanniques et étrangères, ainsi que des ETF. L’Allemande Trade Republic est une application similaire, qui ambitionne de devenir “une plateforme européenne pour l’épargne, l’investissement et le trading sur mobile”. Elle n’est pas gratuite, contrairement à ses compatriotes Justtrade et Gratisbroker, mais ne facture que 1 euro par ordre. 

Enfin, la Hollandaise Bux, déployée en Allemagne et en France depuis 2019, vient également d’être lancée en Belgique. Elle propose elle aussi le trading gratuit sur les actions européennes et américaines, mais seulement sur les ordres passés en fin de journée. Les transactions instantanées coûtent 1 euro, et elle prélève une marge de 0,25 % sur les opérations de change liées aux achats d’actions américaines . Bux compte plus de 2 millions d’utilisateurs en Europe, selon ses dires. 

Il existe aussi d’autres formules, comme celle de la fintech britannique Revolut. Son application est réputée pour ses faibles coûts sur les retraits et les virements à l’étranger, mais elle propose aussi une offre de trading. Les abonnés “Metal” (13,99 € par mois) peuvent passer des ordres gratuits en illimité. A noter, tous les utilisateurs payent des droits de garde annuels de garde de 0.01 % sur leur portefeuille de titres. 

Ses utilisateurs n’ont accès pour le moment qu’à un panel de parts de sociétés américaines, à l’or et aux autres matières premières, mais aussi une sélection de crypto-monnaies, dont le Bitcoin et l’Ethereum.

L’application hollandaise Degiro offre quant à elle aux utilisateurs français d’investir dans le monde entier sur les actions, les ETF, les options, les futures, et d’autres produits financiers. Les trades ne sont pas gratuits (sauf sur les ETF), mais les commissions de courtage sont très réduites (0,04 % sur les actions et 0,50 € par ordre + $ 0,004 par action pour les ordres sur les actions américaines, par exemple), bien moins que la plateforme eToro si présente sur le web pourtant.

L’accessibilité c’est bien, la sécurité c’est mieux

Bien sûr, la perspective d’échapper aux commissions de courtage est très alléchante, et vous êtes peut-être très tenté par toutes ces applications. Mais avant de les télécharger, souvenez-vous que ces sociétés ont souvent des business-models qui ne leur assurent pas (encore ?) une bonne rentabilité. 

Elles sont donc fragiles, et vous exposent au risque d’un dépôt de bilan. Que se passera-t-il alors pour votre compte et votre portefeuille ? En France les comptes des banques et des sociétés d’investissement sont couverts[4] jusqu’à 100 000 € et jusqu’à 70 000 € pour les titres en cas de faillite. Chaque pays membre de l’UE dispose d’un mécanisme semblable. 

Les néobanques (comme Revolut) déposent l’argent de leurs clients sur des comptes tenus par des banques disposant de cette garantie. Mais les portefeuilles de titres échappent à cette protection, et ce qu’il adviendra des titres en cas de problème n’est pas toujours clair. Revolut étant une fintech de droit britannique, elle échappera à la législation européenne après le Brexit. 

De plus, même s’il existe des mécanismes de protection, quel seront leurs modalités de mise en oeuvre ? Sera-t-il facile pour vous de récupérer votre argent, ou devrez-vous remplir des formulaires et patienter un certain temps avant de pouvoir en disposer ?

Il est donc nécessaire de faire preuve de prudence. Et si vous voulez tout de même goûter aux joies du trading gratuit, faites bien attention de ne pas vous laisser happer par la frénésie du trading intraday. C’est très ludique, mais les risques sont énormes.

N’oubliez jamais que l’échange de titres a lieu parce que quelqu’un d’autre a donné un ordre contraire au vôtre. Quand c’est vous qui gagnez, c’est lui qui perd. L’inverse est vrai aussi. Or, une grande partie des acteurs du marché sont des professionnels bien mieux documentés que vous. Une autre grande partie sont des algorithmes, qui dégainent plus vite que leur ombre. Vous voyez où je veux en venir : a priori, vous avez plus de chances d’être du côté des perdants, que du côté des gagnants alors méfiance et professionnalisme.

Le trading est donc de plus en plus accessible, mais cela ne signifie pas qu’il devient plus facile, même si quelques apps amusantes cherchent à vous en donner l’impression. Le mieux est encore de se former pour aborder cette activité passionnante sereinement. Consultez nos autres posts : nous avons écrit pas mal de contenu pour vous aider à y voir plus clair, profitez-en ! 🙂


Références

  • [1] Bloomberg, Carl Icahn Wants to Fight Dell Again, [en ligne], dernière consultation le 20 août 2020.
  • [2] Yahoo! Finance, High-Frequency Traders Love Business With Robinhood, [en ligne], dernière consultation le 28 octobre 2021 (lien rompu).
  • [3] Trustpilot, Robinhood, [en ligne], dernière consultation le 20 août 2020.
  • [4] Le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution, Page d’accueil du site, [en ligne], dernière consultation le 20 août 2020.

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